Albums photos uchroniques

Michel Martin a bien voulu écrire ce court texte à propos de deux réalisations photographiques engagées sur ce voyage.
Tout voyage authentique implique la rencontre d’un « ailleurs », et des « autres ». Mais comment l’attester ? Par des traces : un récit, des photographies. Mais quel intérêt ? Notamment quand « l’ailleurs », l’autre dépaysant, peut d’ores et déjà être re-présenté par les photographies des voyageurs-internautes. Avant même d’être rencontrée, l’altérité des « lieux » à venir est déjà réduite au passé des « re-présentations ». L’esthétique des lieux est déjà épuisée. Reste alors la rencontre éthique avec les autres : rencontres réciproques de nos altérités singulières qui ne peuvent être préalablement re-présentées. Mais ce « reste » n’est-il pas cette dimension essentielle du voyage que les photographies et les photographes oublient ? Objectivé de manière critique, ce « reste » peut même être le projet du voyage en sa forme et son contenu : la substitution de l’éthique de la rencontre à l’esthétique des lieux. Substitution qui prendrait donc, elle-même, une forme esthétique critique servant de prétexte et de vecteur à cette rencontre : la prise d’une photo de l’autre et de soi et la promesse de son échange sur la toile internet, une fois le voyage accompli. La photographie, étant mise à distance comme recherche d’un « point de vue esthétique » sur les lieux étrangers, aurait alors pour enjeu les seuls liens éthiques. L’intérêt du récit et des traces de ce voyage accompli serait de nous donner à voir et à entendre la façon dont les regards des voyageurs se prêtent à leur détournement pour engager l’écoute d’autrui.
Michel Martin
La  description des deux propositions photographiques oblige à des circonvolutions en terme d’accord des temps pour évoquer, en fait, une sorte de voyage uchronique.

Le première proposition consiste à ne pas emporter d’appareil photo en voyage, de demander à des personnes rencontrées de me photographier avec leurs appareils, puis de m’expédier ces photos sur mon email, plus tard, lorsque chacun sera revenu chez lui.


La deuxième proposition consiste à créer, avant le voyage, un album  photographique des lieux que je n’aurais pas manqués de photographier lorsque j’y serai. Ces photographies sont collectées dans les bases panoramio accessibles — entre autres sources — depuis Google earth.

Ces idées ont émergées à la suite de la lecture du manifeste « Foom Her on » et à la visite de l’exposition afférante présentée à Arles. dans l’été 2011, et signés par Clément Chéroux, Joan Fontcuberta, Erik Kessels, Martin Parr et Joachim Schmid.