[carnet de bord] 23 & 24 juillet


23 juillet

Départ à 8 h 00 pour la sprengisandur, sur la route F26 qui mène de Myvatn à Landmannalaugar, un des plus long trajets en bus de toute l'Islande.
Le temps est très bouché et bus fruste mais confort, piste défoncée à partir d'un certain moment, des gués plutôt faciles, longé et traversé les déserts, vu les glaciers ; il pleut. Est-ce le régime météo que je subirai dans les prochains jours ?
pluie n°1 / Bus Sprengisandur

pluie n°2 / Bus Sprengisandur

pluie n°3 / Bus Sprengisandur

pluie n°4 / Bus Sprengisandur
cliché n°5 avec un allemand alors que je dessine un camion lors d'une halte.

par Stefan Brainbauer, le cliché n°6, le 23 juillet, sur la route F26, la Sprengisandur.


Ce dessin où je lâche enfin le trait déclenche ceux qui vont suivre tout au long de la marche.

Incise pour évoquer le cas de ces marcheurs qui, pendant 50 km, ont salopé la piste en marchant à 20 mètres à l'intérieur du désert de cendres. Ils ont marqué pour des années le paysage. Ça s'appelle dénaturer (au sens propre du terme). Des campagnes de com sont menées dans les points de tourisme pour alerter sur les conditions géologiques et climatiques particulières de l'Islande qui font qu'un paysage marqué le sera très longtemps.
J'imagine, dans le roulis chaotique du bus sur la piste, l'histoire de l'érection d'un monument commémoratif de l'exécution par des rangers des deux marcheurs pris en flagrant délit, sans autre forme de procès, en vertu d'une récente loi islandaise.

Arrivée à Landmannalaugar à 17 h 30. Pluie en averses ; beaucoup de monde et une certaine excitation générale ; je plante la tente dans une mare d'eau.
La pluie s'arrête ; les campeurs marcheurs s'adressent alors la parole pour commenter le trek à venir ou déjà effectué (Laugavaudur).
dessins, ça commence à venir un peu depuis les dessins réalisés dans le bus.

Le site du camp au pied du champ de lave qui marque la fin ou le début —selon, de la laugavaudur.

Longs commentaires devant les cartes avec nombre de marcheurs. Je discute pas mal de temps avec une italienne qui a payé un guide avec un groupe pour faire le trek et qui regrette de ne plus pouvoir le faire en solo.
J'avais décidé de rester à Landmannalagaur pour la journée de demain. Je m'en tiendrais à ce programme.
Le bain chaud est envahi par toutes les personnes qui descendent des quelques bus de ballade à la journée. J'en dénombre 74 au même moment ce soir. Je ne ferai pas partie de cette macération collective.
J'explore toutes les facettes du camp. Dodo à 23 h 30 avec des boules Quies car il y a un vacarme d'enfer sur l'ensemble de la prairie.


24 juillet

7 h 30 déjeuner lyo puis départ pour le Ljotipollur, un volcan que je pense d'enfer. A peine réveillé semble-t-il je me trompe de route. Une demi/heure de perdues. Je ne compte pas vraiment mon temps mais je rage un peu de faire demi-tour. Tour du cratère seul. La face Nord-Est est très rude et impressionnante à parcourir. Le site est pure merveille. Retour au camp à 12 h.

Le cratère du Ljotipollur (par Thrudur84). Image post-voyage de l'album Islanduchronie II.

Flash ! Dans le bain naturel du camp, 5 personnes. Je me joint à eux. 6 personnes pendant une heure. Délice.
Sandwich. Ballade vers le mont Skalli.


Au loin, des cônes se scories grises, des champ de lappillis cendreux noirs et ternes. Sur le chemin noir de péritonite exhumée par quelque machinerie gigantesque, traverse caillouteuse et scarifiée, rainurée de stries grises et bleu-foncées des pyroxènes, — soudain —, une veine d'ocre-rose lamellée de ryolites claires, comme si subitement, on éclairait la tenue de grains luminescents de jaune blême en la poudrant de la rouille la plus dense.

Au beau milieu d'une miscellanées de verts, vert-jaune de l'olivine, verts-foncés d'antiques pyroxènes, verts-jaunes quasi sans bleus d'herbes déjà fanées, verts-bleus quasi sans jaunes de myrtilliers sans fruits, avides des moindres poussières de lœss, une entaille de pischtone noir à l'éclat gras, noir de pluie d'orage sur le charbon noir, noir de l'attaque acide des vapeurs soufrées, noir de perdition.
Au retour, échantillons de pierres et je profite d'un isolement désormais habituel pour errer sur le fond plat de la vallée et m'absorber dans les couleurs inimaginées des montagnes alentours.


cliché n°6 avec un français.
Café et dessin des bus avec de vieux israéliens.

Hey, Hey, My My (into the black) de Neil Young
 
Hanna est israélienne. Elle a soixante et onze ans et c'est la fille de l'un des passages de l'Exodus. Elle fait partie d'un groupe entier de sexagénaires qui parlent extrêmement bruyamment et — stupéfaction —, yiddish en ces hautes terres de Landmannalaugar. Par quelles intentions touristiques sont-ils ici ? Cela reste un mystère pour le marcheur perplexe qui se prépare à entamer la laugavaudur, l'un des plus célèbres trek du monde, en buvant un café près des bus sédentaires qui, nostalgiquement, nous ramènent aux sixties.

Je me couche tôt parce que demain c'est trek à l'aube mais je suis obligé d'évacuer par une intervention aussi ferme que lourde de reproches 3 couples d'allemands qui avaient décidé de discuter fort à 50 centimètres de ma tente...  à 1 h 30 du matin.