Comment chier dans les bois

Comment chier dans les bois
Kathleen Meyer
Edimontagne, 2001 (4 camp collection)

p. 40
L'extension actuelle du parasite de la Giardia lamblia dans les zones de pleine nature est une histoire intéressante, quoiqu'encore fragmentaire. Bien que ses modalités de transmission soient toujours sujettes à l'étude, il a été prouvé que cette transmission pouvait passer par les animaux et les hommes.
Comme pour beaucoup de maladies intestinales de ce type, la Giardia se répand par transmission fécale/orale, ce qui signifie que l'organisme infectieux est présent dans les fèces et gagne un nouvel hôte, ou une nouvelle victime, par la voie orale. Le protozoaire de la Giardia lambia possède un cycle de vie en deux temps : pendant le stade actif, il se nourrit et se multiplie dans les intestins de l'hôte, et ces Treophozoïdes vivants meurent rapidement lorsqu'ils sont expulsés dans les fèces. Durant l'autre stade dit "dormant", les kystes, qui sont eux aussi passés par les matières fécales, sont beaucoup plus résistants, et capables de survivre dans un environnement extérieur.
La transmission directe fécale/orale des kystes de Giardia est un problème dans les maternelles et autres institutions antéscolaires.
Ce type de transmission par contact direct entre personnes (mais aussi par le biais de nourriture contaminée) peut être facilement éliminé dans la nature par une attention particulière au lavage des mains. Mais c'est la transmission par l'eau qui pose le plus gros problème. Une fois que les kystes sont présents dans un lac ou une rivière, ils peuvent rester viables pendant des mois, spécialement dans les eaux froides.
Les kystes de Giardia ont ainsi été découverts dans les torrents de montagne naissant après les chutes de pluie et qui rejoignent parfois les principaux cours d'eau. Les concentrations sont plus ou moins fortes suivant les rivières ou les ruisseaux observés, et les études démontrent que la répartition et la densité varient selon les saisons et les régions. Il est toujours possible de boire directement une gorgée d'eau, mais le risque n'en vaut plus la chandelle. Techniquement, dès que l'eau tombe du ciel et coule sur la terre, ou sourd à la surface d'une source, il est possible que les kystes de Giardia s'y trouvent. Quelques kystes seulement suffisent à causer cette infection, s'ils sont ingérés et pénètrent dans votre système intestinal~ Dans l'ouvrage Mange, bois et sois attentif(réédition de California Wilderness Coalition dans Headwaters, Friends of the River, mars/avril 1984), Thomas Suk expose les différents scénarios par lesquels les matières fécales contaminent les eaux: "( ... ) par dépôt direct par les humains ou les animaux dans l'eau, ou dépôt près de l'eau où les kystes peuvent être transportés par écoulements, ou élévations de niveau, érosion, ou sous les pieds des humains ou des animaux.
Les kystes peuvent également être transportés dans l'eau par la fourrure d'animaux s'étant roulés dans des fèces."
La Giardia est aujourd'hui présente chez la plupart des animaux, avec des porteurs repérés chez les poissons, les oiseaux, les reptiles et une trentaine d'espèces de mammifères. Les déjections animales continuent de contaminer des points d'eau, même si la question de savoir exactement combien sont aussi transférées par les humains (ou vice-versa) reste assez obscure. Les castors et les rats musqués, qui passent leur vie dans l'eau, sont désormais des porteurs identifiés. Mais la plus désolante donnée sur cette maladie reste que ce sont bien les humains qui semblent jouer un rôle prépondérant dans sa diffusion mondiale.
Avant les années soixante-dix, il n'y avait pas de cas d'eaux infectées par la Giardia aux États-Unis. Les premières obseservations ont été enregistrées à Aspen, dans le Colorado, en 1970.
Les années suivantes, de nombreux dossiers furent établis, en provenant, essentiellement de voyageurs revenant de Leningrad.
L'explication de ce fait assez particulier repose sur deux facteurs : l'Union soviétique, à cette époque, commençait à s'ouvrir assez largement aux voyageurs et les réservoirs d'eau de la municipalité de Leningrad étaient infectés de kystes de Giardia. Avec l'apparition de cette maladie aux États-Unis, les débats et les spéculations allèrent bon train, accompagnés d'une vague d'études sur les origines et modes de transmission entre les espèces. D'où cela venait ? Qui le donnait à qui ? Qui était le principal responsable de sa transmission : les animaux ou les humains ? Que fallait-il faire désormais ?

Une théorie répandue, qui semble exonérer l'homme de toute responsabilité, soutient que la Giardia a toujours été "par là" - depuis des millénaires - et que son existence actuelle ne tient qu'aux progrès actuels en matière de diagnostique. "Par là" est sans doute l'un des points faibles de cette théorie. La Giardia peut avoir été quelque par par là, mais où ? Dans les Sierras ? Dans les montagnes Rocheuses ? Indéniablement, il existe de part le monde bien des cas rapportés sur la Giardia depuis sa découverte en 1681.
Mais je ne peux m'empêcher de me souvenir que pas mal de fanas de rivières, dont moi-même, avons bu dans des points d'eau de tout l'ouest des États-Unis et du Canada entre la fin des années soixante et le milieu des années soixante-dix sans jamais être revenus avec une attaque de Giardia. D'autres troubles intestinaux, à l'occasion, mais pas la Giardia. Ce n'est qu'à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingts que nous avons commencé à entendre parler parmi nous de plus en plus de cas irréfutables de cette "nouvelle maladie". Il semble peu probable que nous ayons tous été des porteurs asymptomatiques ou simplement mal diagnostiqués. Pour mieux cerner vers quelle explication je penche sur cette question du : "où repose exactement la responsabilité de la diffusion de cette maladie", je vous livre encore quelques réflexions. Si elle n'était due qu'aux animaux, il semble que la progression, de castor à castor, aurait dû se faire à un autre rythme, s'étendant sur une longue période - des centaines, voire des milliers d'années (peut-être sans nous atteindre jamais, comme le suggèrent les théories de sélection de Darwin, ou la construction des systèmes immunitaires). Or, il est reconnu qu'à la fois les humains et les animaux peuvent répandre - et répandent - cette maladie. Il est encore utile de rappeler que les animaux, qui peuvent se débarrasser tout seuls de la Giardia durant les mois d'hiver, ne peuvent être réinfectés au printemps que par ... les hommes.
Il y a quelques années encore, les eaux sauvages de la Nouvelle Zélande étaient répertoriées comme étant exemptes de toute Giardia. C'était sans doute essentiellement du aux lois très strictes en matière d'importations locales sur les denrées et les animaux domestiques, ainsi qu'à l'isolement naturel de l'île, et! ou à l'absence de mammifères aquatiques indigènes. En 1991, nous avons appris avec tristesse que la Giardia avait atteint les eaux immaculées de ce pays. Les années suivantes, à l'autre bout de la terre, une autre région vierge succombait : le Parc national de Nahanni - un secteur reculé des territoires du Nord-Ouest canadien, accessible uniquement par avion.

Un autre parasite, répondant à l'impressionnant nom de Cryptosporidium (causant la Cryptosporidiosis), est aussi aujourd'hui présent dans les eaux de surface, et ce, d'après une étude, de manière beaucoup plus fréquente, et en plus grande concentration que la Giardia.
Le Cryptosporidium est assez connu pour les Américains : responsable d'une contamination de l'eau à Milwaukee qui a affecté près de 400 000 personnes, il a fait les grands titres des journaux en 1993. Ce protozoaire est proche de la Giardia sur de nombreux points: transmission fécale/ orale, propagation intestinale, il est viable dans l'eau sur de longues périodes, susceptible de passer entre humains et animaux, et de causer des symptômes aigus, à potentiel éventuellement chronique. Il peut enfin exister chez des porteurs asymptomatiques. Le Cryptosporidium, cependant, est très résistant au chlore. Beaucoup plus que la Giardia. Les quelque vingt et un millions d'Américains qui dépendent d'une alimentation en eau traitée au chlore (mais non filtrée) sont tous exposés potentiellement à ce risque. Inutile donc de rester sagement à la maison en pensant éviter de boire de l'eau contaminée.
Car pour les randonnées dans la nature, il existe de multiples systèmes de filtres à eau qui éliminent tous les protozoaires parasites.
Avant de boire, voici ce que vous devez faire: traitez toutes les eaux de surface (lacs, torrents, chutes d'eau ... ). Traitez l'eau des sources, à moins que celle-ci ne soit contenue par un réservoir en béton qui garantisse le fait qu'il ne puisse pas y avoir de contamination entre la surface de l'eau et des fèces animales.
Le long des pistes des Appalaches, vous trouverez ces bassins autour de quelques sources. Gardez en tête que l'eau n'est bonne que si le réservoir est en état. Les sources aux bassins cassés, ou fendus, sont suspectes. Enfin, traitez même l'eau du robinet dans les pays en voie de développement, et partout où le recommandent les autorités américaines (voir à ce sujet la section sur le traitement de l'eau, chapitre IV).

En dernière analyse, dans cette quête inachevée pour déterminer avec précision les raisons de l'extension de la Giardia et du Cryptosporidium, un élément dépasse tous les autres : c'est un sujet de profonde responsabilisation que de reconnaître l'extension potentielle de notre impact sur le règne animal. Trop souvent, nous manquons de recul pour prendre pleinement en compte les cascades de conséquences alimentées par nos agissements à la va-vite et nos solutions expéditives, qui se répercutent pourtant sur bien des niveaux. Ces agissements nous reviennent parfois en pleine figure ...
Ces questions ont un autre intérêt : elles nous enseignent que nous sommes capables de répandre un vrai problème sanitaire sur terre aussi facilement que nous y prenons nos vacances.
Pensez-y. Quel autre animal que l'Homo sapiens peut avaler un rogani grillé en Inde, ou un kalaya e khass en Afrique du Sud, sauter dans l'avion, et déposer l'étron final de tout ça dans un coin perdu du Colorado ?
Permettez-moi une dernière réflexion sur la dimension globale de la propagation des maladies, avant d'empoigner notre pelle pour creuser notre trou. Dans la plupart des pays africains, mais encore dans certains endroits du Moyen-Orient et de l'Amérique du Sud, la surface des eaux est infestée de Schistosomes, qui causent la Schistosomiasis, (plus connue en Europe sous le nom de bilharziose, ndt). La présence de ces amibes interdit toute baignade ou toute marche dans l'eau, car leur mode de pénétration se fait par la peau. Dans ces eaux, même le grand militant écologiste Edward Abbey n'aurait pas trempé son gros orteil, pourtant tanné ! Par chance pour nous, en Amérique du Nord (mais pas encore en Europe, ndt), l'une des étapes du cycle de la vie du Schistosome passe par un escargot porteur qui ne vit que sous les tropiques.
Mais là encore, qui peut jurer que dans le futur, un changement mineur dans le système de régulation de cette douve du sang ne pourrait pas rendre ce parasite compatible avec l'escargot de jardin de nos zones tempérées? Personne? Mais si ce n'est pas la bilharziose, alors quelque chose d'autre est sans doute tout à fait prêt à débarquer sur nos rivages (ou l'a probablement déjà fait).

La meilleure ligne de défense pour protéger nos territoires sauvages, la faune sauvage et nous-mêmes, est doublement fastidieuse à tenir, quoique très simple : il nous reste à développer de scrupuleuses habitudes - creuser des trous respectant l'environnement pour enterrer nos merdes - et beaucoup d'énergie pour transmettre cette éducation aux nouveaux venus.
(...)
Choisir un site adapté pour le trou-toilette demande quelques connaissances et un peu de préparation. L'objectif lorsque l'on creuse ce trou est de bloquer la dissipation d'organismes porteurs de maladies, que ce soit via les humains, les animaux, les éléments, ou encore par les insectes volants, afin d'empêcher toute contamination des eaux avoisinantes.
Il n'y a pas une règle unique pour tous les types de terrain, de saisons et de climats. En réalité, il existe une telle quantité de variables et de combinaisons que l'on pourrait croire qu'il faudrait posséder trois ou quatre doctorats pour s'en sortir. Un exemple : le taux de décomposition des matières fécales enterrées est largement lié au type de sol et à sa texture, à son pouvoir filtrant (mesuré en taux de percolation), à son taux d'humidité, à la pente du terrain, à son exposition, à sa population d'insectes, à son pH et à sa température.
En terme de protection de l'environnement, le "raisonnable" se situe entre l'attention aux eaux avoisinantes et la meilleure vitesse de décomposition. Le coin idéal pour une décomposition rapide (rapide étant ici très relatif : dans les meilleures conditions, une merde humaine met plus d'un an à disparaître) est un sol entre sec et humide (mais pas complètement détrempé) avec un humus et des bactéries en abondance.

Visualisez l'endroit parfait comme étant à l'ombre de la végétation (ou même de rochers) mais pas dans une zone de drainage sensible aux intempéries, ni sur un site inondable par intermittence, ou sujet aux hausses annuelles du niveau des eaux.
Des fèces sur un sol extrêmement sec, dans un endroit dégagé ne risquent pas vraiment d'être balayées par des eaux intermittentes.
Reste que sur ces sols difficiles à creuser, à l'activité bactérienne déficiente, tous les dépôts s'endorment presque pour l'éternité avant de se décomposer. Au-delà des forêts en altitude, ou sous les climats "en dessous de zéro", l'activité bactérienne du sol est quasiment inexistante. Il est alors préférable de ramener vos cacas avec vous - sans rire! - ou au moins quelque part où ils peuvent être enterrés de façon efficace.
Dans certaines conditions très précises, il existe une option supplémentaire : le glaçage. Les procédures concernant ces deux techniques très différentes sont décrites dans le chapitre III.
Si vous rêvez de devenir un expert en matière d'enfouissement, ou si toutes ces variables vous remuent l'esprit, Harry Reeves a écrit un article fascinant, reprenant les résultats d'une vaste étude : Les Dépôts des déchets humains dans les montagnes de la Sierra (Wilderness Impact Studies, San Francisco: Sierra Club Outing Committee). Comme l'a si bien écrit un philosophe du vingtième siècle, "Un individu ne peut faire seulement que ce que peut faire un individu". Ainsi en va-t-il de cette quête du trou idéal. Notre but, cependant, devra être de creuser des trous qui soient "écologiquement corrects" et esthétiquement acceptables, pour autant que notre ineXpérience nous le permette
et que le reste de ce chapitre vous soit utile ...

La réflexion première, en choisissant votre petit coin, est d'éviter que les fèces ne soient entraînées ou lessivées vers tout cours d'eau. Même enterrées dans le sol, les bactéries dans les déchets humains sont capables de voyager à distance respectable.
Choisissez un endroit éloigné des criques, torrents et lacs. Cinquante mètres sont la distance généralement recommandée, même si ce chiffre est difficile à appliquer systématiquement ailleurs que près des lacs. (Les réservoirs de barrages, par exemple, avec de fortes variations de niveau, même très souvent dénommés lacs, ne sont pas de "vrais" lacs). Les canyons creusés par les eaux offrent, eux, de nombreuses configurations.
Dans certains, vous pouvez marcher pendant 5 kilomètres et toujours être dans leurs zones de drainage, alors que dans d'autres, vous n'aurez qu'à grimper un tout petit peu pour être dans un coin à l'abri de tout passage des eaux.
La meilleure attitude, c'est de toujours rester au-dessus - voire bien au-dessus - de la ligne des hautes eaux de printemps.
Cette ligne n'est pas toujours évidente à localiser. Dans certains terrains elle peut même être très peu marquée. Mais avec un peu d'expérience, vous serez capable de la situer.
Les grandes crues du printemps, générées par les fontes des neiges, charrient souvent des tas de débris: graviers, rochers, blocs, branches, souches et mêmes des troncs d'arbres. Invariablement, lorsque le niveau culmine, puis se stabilise avant de redescendre, certains de ces débris échouent sur les rives, ou s'accrochent dans la végétation, matérialisant une ligne assez horizontale. Dans les canyons étroits, lorsque vous y barbotez en saison de basses eaux, cette ligne peut être très haut au-dessus de vos têtes. Vous pouvez regarder le ciel et remarquer un sacré tronc d'arbre coincé bizarrement sur un bloc de la taille d'une maison, perché si haut qu'il semble que seul un géant ait pu le poser là.
Un autre signe marquant la ligne des hautes eaux est représenté par les traces d'érosion - souvent des baignoires rondes creusées dans le rocher - laissées sur les falaises des canyons.
Certains cours d'eau ne connaissent que des régimes de crues violentes ne se déclenchant qu'au printemps, ou lors de gros orages, et restent totalement à sec le reste du temps. Apprenez à identifier les zones de drainage du terrain - les points bas, les fonds de canyon, les goulottes d'érosion, les zones sèches mais  susceptibles d'être inondées ... Demandez aux locaux de vous indiquer jusqu'où peut monter la rivière pendant les crues de printemps. Progressivement, vous apprendrez à estimer correctement ce niveau presque uniquement au vu de la forme et de la profondeur du canyon. Lorsque vous doûtez - grimpez ou passez plus haut ; l'an prochain ce sera peut-être l'année de la grande crue trentenaire ...

Les paysages en hiver demandent encore plus de dons d'observation. Les lignes des hautes eaux sont effacées sous la neige et les congères. La nature du terrain, sous ce linceul, est difficile à déterminer, et les chances de chier sur le lit d'un torrent bien caché augmentent encore lorsque vous n'avez pas la moindre idée de la configuration du coin ... en été. Évitez les surfaces planes et régulières, qui recouvrent un étang gelé ou un pâturage, et qui redeviendront d'une manière ou d'une autre en été des confluences de réseaux alimentant d'autres cours d'eau. Le meilleur conseil reste de viser, là encore, les points hauts. Dans la neige profonde, ou par des températures en-dessous de zéro, lorsque vous ne pouvez pas creuser dans la terre gelée, ou que vous ne pouvez même pas l'atteindre, revient à nouveau cette recommandation : Ramenez tout.
Une bonne nouvelle, après tout ça ? Quand on creuse son trou, on n'a pas besoin de creuser jusqu'en Chine. C'est même plutôt le contraire: les enzymes les plus efficaces pour résorber les excréments vivent dans les vingt-cinq premiers centimètres de profondeur. Il est généralement conseillé de creuser votre trou sur 15 à 20 centimètres. Cette couche de terre suffit à interdire tout contact avec les animaux et empêche la transmission pathogène vers d'autres sources.
Mélangez tout (Stirring, dans le texte, ndt) est une nouvelle et brillante technique que nous devons tous apprendre et utiliser. Il s'agit de "mixer" les matières que nous avons déposées dans notre trou avec un peu de la terre extraite, avant de tout recouvrir.
Le but de la manœuvre étant d'améliorer la vitesse de décomposition en donnant aux bactéries du sol le meilleur contact possible avec les matières fécales. Utilisez un petit bâton pour l'opération, un truc que vous pouvez laisser dans le trou plutôt qu'un outil à remettre à la ceinture! Anticipez.
Ramassez ce fameux bâton lorsque vous allez sur le site de votre mission, et quand vous commencez à creuser, laissez un peu de terre de côté. Lorsqu'il n'y a aucun bâton, soyez créatifs.
Utilisez une pierre. Amenez quelques bâtons d'esquimaux dont vous souhaitez vous séparer. Soyez conscient que "pas de bâton à l'horizon" peut signifier que vous êtes sur un terrain épuisé, un terrain sans bactéries dans son sol, voire un lieu où il n'y a même pas de terre. Dans ce cadre, encore une fois, il est préférable, plutôt que de tout enterrer, de tout ramener.
Les mérites de la technique du Mélangez tout nous viennent d'une étude presque ancienne, menée dans la chaîne de Bridger, au Montana, en 1982 (Potential Health Hazard from Human Wâstes in Wilderness, par Kenneth L. Temple, Anne K. Camper et Robert Lucas, Journal of soil and conservation, novembre/décembre 1982, vol. 37, n° 6). Des matières fécales, contenant des bactéries pathogènes E. Coli et Salmonelle, furent enterrées dans des trous de chat. La Salmonelle prouva une solide résistance dans chaque site, même après un hiver entier. E. Coli ne survécut que dans quelques trous. Les chercheurs conclurent que la matière fécale pouvait visiblement isoler les bactéries de l'action destructrice du sol, et suggérèrent que le mélange terre/fèces pourrait accélérer la mort de celles-ci.
Personne n'imaginait alors que les randonneurs en mal de grands espaces utiliseraient un jour cette technique. Et pourtant, nous y sommes. Mélangeons, mes amis, mélangeons!
L'urine du trekkeur est une tout autre histoire. La pisse s'évapore rapidement et est relativement stérile, à moins de souffrir de certaines infections de la vessie (ce dont le malade est généralement vite averti). La principale précaution est simplement d'éviter les zones où tout le monde se "concentre", là où la puanteur peut vite devenir déplaisante, et d'éviter encore les zones de graviers ou les rochers, où l'urinë laisse une odeur durable. Dans certaines zones, notamment sur les plages du Grand Canyon, les gardes de ce parc national apprennent aux gens à pisser directement dans l'eau, ou au bord, sur la bande de sable humide. La pisse est lavée par les variations quotidiennes du niveau, variations régulées ici par le barrage de Glenn Canyon. Ces procédures n'ont pas uniquement été adoptées pour se débarrasser des odeurs d'urines: la concentration de pisse (contenant du nitrogène) que laisseraient les rafteurs sur le sol du Grand Canyon - dans un environnement aride et fragile - altérerait rapidement la composition des grès. Les volumes de la rivière Colorado, dépassant les 5 000 mètres cubes/seconde, garantissent encore l'innocuité de cette pratique : sur une année entière, la part de pipi qui se mélange dans l'eau est de l'ordre d'l contre 55 millions. Ou, comme l'a encore calculé Mark Law, un responsable de district de ce parc national, cette fameuse part équivaudrait à 28 000 canettes de bière. Quoi qu'il en soit, ne suivez cette procédure que lorsque les services des parcs ou des forêts vous le demandent expressément.
Quel que soit le type de votre pressant besoin, vous devez d'abord vous éloigner à bonne distance du lieu du campement, pas seulement au nom de votre intimité, mais surtout pour éviter de polluer un futur lieu potentiel de bivouac.
Si vous changez de camp tous les jours, profitez de cet avantage pour faire vos besoins pendant votre parcours quotidien, dans les endroits les moins fréquentés. C'est l'élimination "pendant la marche". Écartez-vous des sentiers, dont les abords immédiats sont en eux-mêmes des lieux forts utilisés. Et prévoyez bien votre manœuvre à l'avance, ou vous finirez par vous retrouver contraint à bifurquer d'urgence vers le premier petit coin sympa - celui qui aura eu, inévitablement, le même appel séducteur pour beaucoup de vos prédécesseurs. Certains coins peuvent encore tout aussi inévitablement vous mettre (vraiment) dans la merde, comme les plages juste en amont de rapides qui foncent vers l'enfer ! (Rien ne vous fait faire vos besoins plus rapidement que de penser que vous allez mourir).
Arrêtons-nous un instant sur la question du papier toilette. J'ai récemment rencontré une ex-grimpeuse qui m'a raconté l'histoire suivante. Alors qu'elle était suspendue sur sa petite plateforme à mi-hauteur de la paroi de Half Dome, dans le Yosemite, elle ressentit une "grosse urgence". [escalade fait partie des activités de nature parmi les moins "régulées" du monde, au point que les grimpeurs sont reconnus pour transformer la quasi-totalité de leurs besoins en diverses bombes volantes, lâchées dans le vide! Il n'est pas extraordinaire d'entendre ainsi des histoires de grimpeurs touchés à la tête, par exemple. Mais pour cette cordée, elle avait décidé de respecter et la montagne et les autres grimpeurs: tout en restant harnachée dans son baudrier, elle descendit avec dextérité son collant, et se positionna au-dessus de son container à déchets.
Au final, elle déchira un bon mètre de papier toilette, mais par inadvertance, le laissa filer. Elle le regardait tranquillement s'envoler en serpentant dans l'air. Le papier glissa d'abord vers le bas, avant de se coller contre une anfractuosité. Pendant près d'une heure, flottant, virevoltant, plongeant dans les courants aériens, cette bande de papier fut l'attraction de tous ceux qui regardaient la paroi de Half Dome. Je n'ai pas à en rajouter ; il faut vraiment s'accrocher à son papier toilette ...
En fait, si : deux autres conseils. Ne l'enterrez pas. Ne le brûlez pas. Brûler son papier fut la pratique courante et acceptée pendant des années, mais les positions ont changé sur cette question.
Peu importe que vous soyez sûr d'avoir fait très attention, un feu de forêt accidentel est encore un feu de trop. Utilisez aussi peu de papier que possible et ramenez-le avec vous. Pour mieux faciliter cette pratique lorsque vous campez avec d'autres personnes, il est utile de bien donner toutes les instructions à chacun et de préparer un coin discret pour tout rassembler; un sac en papier peut être posé à l'extrémité du camp, avec une serviette et du papier hygiénique.
Il va sans dire que vous devriez également remporter tous les accessoires de toilette inorganiques : tampons, pansements et lingettes. Si vous avez à laver des couches pendant un voyage, mettez le caca dans un trou de chat selon la technique précédemment décrite. Et transportez le récipient de lavage - utilisez du savon biodégradable - au-dessus de la ligne des hautes eaux.
Pour rincer ce pot de lavage, utilisez-en un autre, afin d'éviter tout rejet dans les eaux courantes. Jetez les eaux sales dans un trou (là encore, au-dessus de la ligne des hautes eaux) et comblez- le de terre. Même si vous utilisez du savon biodégradable, ne nettoyez jamais votre récipient souillé dans un cours d'eau.